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PHOENIX - 6 : Augure



Partie 6 : Augure



Après la naissance d’Augure, la vie me souriait encore plus. Même si Prophétesse me manquait terriblement, l’arrivée d’Augure avait tout transformé autour de moi : ma relation avec la vie était encore plus un délice. Je continuais d’apprendre, tous les jours. Mais devenir un père, c’était comme inné. Comme si, enfouie au plus profond de moi, cette facilité à laquelle j’avais su prendre soin d’un poupon avait toujours été là, prête à sortir en temps et en heures. Étais-ce ancré dans mon essence ou au corps physique ?

— Ton père fera tout ce qui est en son pouvoir pour t’offrir le plus beau des mondes.

Augure me regardait tendrement. Je possédais entre mes mains une chose des plus fragiles existantes sur ma planète.


La porte claqua. Furieusement. Augure piquait encore une crise. L’humain en était encore plus fascinant ; il lui fallait tout apprendre. Que cela fusse pour les premiers pas ou les débuts vers l’indépendance, il fallait beaucoup de temps à l’humain avait qu’il ne pût apprivoiser son environnement. Et quand cet apprentissage touchait à sa fin, le corps limitait l’esprit. L’humain était aussi fascinant en ce point : il ne pouvait que très peu profiter de sa vie, avant que la vieillesse ne le fauche. Ici, dans le territoire d’Oracle, la quasi-totalité de la population était croyante. Pourquoi et en qui croyaient-ils ? En Créateur ? Je doutais de sa réelle existence et, quand bien même… Créateur prenait-il le temps de contempler sa création ? Après tout, je n’étais qu’un bon à tout faire ! Oracle m’avait expliqué que dans sa contrée, la population croyait en plusieurs entités qui leur étaient supérieures : les dieux, comme ils étaient nommés. Et tout était épris de l’essence d’un dieu : l’eau avait son dieu, les morts également, tout comme la nature. Quoiqu’il eut pu en être, je n’avais jamais eu de contacts avec d’autres entités. Qu’il s’agît d’une autre essence divine comme moi ou de leurs dieux. Pour moi, tout cela semblait absurde. Pour moi, il n’existait personne d’autre que Créateur et moi dans l’Ether


Le sujet de la croyance d’Augure était souvent source de conflits entre Oracle et moi. D’autant plus que notre enfant entamait l’âge auquel les enfants commençaient à questionner sur la mort et l’après-mort, selon Oracle. Après tout, je n’étais un mortel que depuis quelques années. Je ne suis également pas né mortel. De par mon statut d’essence divine, je ne pouvais comprendre le concept de repentance et, ainsi, ne pas comprendre également le salut de l’âme. J’avais beau insister sur le point qu’après la mort, l’âme disparaissait tout bonnement, Oracle restait sourde à mon savoir. S’il existait bien quelqu’un qui savait ce que le cosmos cachait, c’était moi.

— Notre enfant est un·e mortel·le : le salut de son âme est plus important que les quelconques absurdités auxquelles tu crois.

Cette phrase m’avait énormément touché ; c’était la première fois qu’Oracle me parlait si violemment. Alors, pour éviter qu’Augure ne fusse pris·e dans ce conflit, je cédai.


Le retour dans l’Ether avait été brutal. Mon essence entière était gelée, glacée, pétrifiée de froid. Et, comme pour ajouter un froid supplémentaire, les derniers souvenirs de l’enveloppe charnelle que j’ai habité me revinrent : Augure au premier plan, juste au dessus de mon visage, et Oracle, dans l’arrière-plan, la tête encapuchonnée faiblement éclairée par la lumière extérieure. Les derniers mots de mon enfant me revinrent également :

— Nous nous reverrons, père. Mais n’oubliez jamais ceci : vous êtes un Phoenix. Ton destin est de mourir ; encore, encore et encore.

« Mon destin est de mourir… Encore, encore et encore... » J’avais la ferme intuition d’avoir déjà entendu ces phrases. Je fouillais les méandres de mes souvenirs quand il me revint : Prophétesse. Un souvenir vieux de centaines d’années. « Comment un aussi vieux souvenir peut-il avoir un lien avec mon enfant ? Serait Augure capable de don de voyance comme sa mère ? Mais alors… quelle âme m’a appelé le jour de ma rencontre avec Oracle ? M’a appelé ? Ai-je appelé ou été appelé ? »

Des milliers de questions se posaient à ma conscience. Alors que je pensais en saisir une, une autre l’effaçait de mon esprit pour devenir le centre de l’attention pendant trente secondes : un cercle vicieux commençait à me ronger, à me brûler de haine. Et à nouveau, je m’évadai dans le froid de l’Ether qui baigne dans le cosmos.


Ce fut après une ou deux années d’errance que je revins à ma planète. Cependant, à mon retour, quelque chose avait changé dans l’énergie qui en émanait. En lisant rapidement l’Ether, je m’aperçus que plusieurs décennies s’étaient écoulées, alors que je pensais être parti moins longtemps.

Un peu plus de trois décennies s’étaient en réalité écoulées. Plusieurs choses fondamentales avaient été perturbées : je remarquai notamment la disparition de l’âme d’Oracle. A contrario, je pouvais toujours ressentir celle d’Augure. Elle se trouvait bien, bien, bien plus au sud de son territoire d’origine. « Que lui est-il arrivé·e ? Comment se portait-iel, après toutes ses années où j’ai été loin ? » Il me fallait des réponses ; je voulais connaître mon enfant ! Je ne me souciais guère plus de prendre la place d’une âme dans une enveloppe charnelle, comme j’ai pu l’être de l’époque de Prophétesse. Je m’incarnai alors dans le corps le plus proche de celui d’Augure.

— Phoenix ! Je suis ravi de vous revoir. Mais je pense que le moment n’a pas été bien choisi…

Me faisant face, une immense foule. Sur ma droite et ma gauche, des hommes, tous la corde au cou.

— Il a un dernier mot à ajouter le petit homme ?

— Oui, j’en ai un. Je ne connais ni vos noms, ni vos coutumes, ni quel peuple vous pouvez-être. Mais soyez sûrs d’une chose : bien que le Phoenix meurt, il revit toujours ! Vos âmes sont miennes et le seront toujours. Faites-moi un signe de rédemption ou signez votre damnation !

Un étrange silence fit suite à ma déclaration. Puis la foule plongea dans un fou rire. Tous, hommes comme femmes ou enfants riaient. Et ils riaient tous de moi. Une trappe devant mes pieds s’ouvrit dans le sol.

— Si tu veux être libre, vas-y, nous ne te retenons pas. Mais sois sûr de savoir courir.

Une grande claque dans mon dos et je tombe à travers la trappe. Et avant même que mes pieds ne touchèrent le sol, un craquement se fit sentir dans ma nuque et le début d’une asphyxie certaine arracha mon essence divine de mon nouveau corps.

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