Partie 7 : Fin
Le froid : encore cette morsure glaçante qu’était l’Ether. Je repris rapidement mes esprits : il me fallait absolument empêcher le meurtre de mon enfant. Mais je n’eus pas le temps de me réincarner ; l’âme d’Augure avait déjà pris son envol. Je me dépêchai de la rattraper. À sa hauteur, je me remémorai cette exacte même scène avec l’âme de Prophétesse ; mon essence divine l’avait à peine approchée qu’elle avait aussitôt disparu.
— Non !
Non, cette fois-ci, je serai plus fort que n’importe quelle force d’attraction ; l’amour triomphe de tout, m’avait-on dit un jour.
— Cela n’est pas nécessaire de vouloir me retenir ; je possède ma propre volonté, Phoenix. Je vais donc rester avec toi, si cela est bien ce que tu désires. Je peux même essayer de t’éclairer ; après tout, je suis plus divin que tous les autres mortels.
— Qui es-tu ? Qui essayer de personnifier l’âme de mon Augure ?
— Mais personne, Phoenix. Je suis, certes, moins divin que vous ne l’êtes, mais je le suis tout de même, père. Pendant des années, après de le décès de mère, j’ai prêché vos paroles de paix et ai informé, à ceux qui voulaient bien l’entendre, de l’arrivée d’un nouveau monde où eux, humains, vivraient en harmonie, tous unis sous une même bannière, et réunis, par une seule et même entité divine, dans un autre monde après la vie d’ici-bas.
— Tu leur as vraiment dit ceci ? Quelles autres inepties as-tu fait croire aux peuple de cette planète ? Ne crois-tu pas que la situation dans laquelle tu t’es retrouvé ne valait pas le coût de ta mort, Augure ?
— Quelles inepties ? Tout ce que j’ai répandu était en votre nom ! Tout était vraiment ! Créateur, une entité divine, Phoenix, vous, le gardien de notre planète. Osez me dire que tout cela est faux, père. Je me souviens bien de vos querelles, mère et vous. Toujours à cause du même sujet : mes croyances. J’ai cru en vous tout le long de ma vie de mortel, et, à présent, que j’ai rempli ma mission, nous niez être l’origine de ce nouveau monde où les humaines seraient en pas ?
— La paix n’existe pas ! Du moins, pas chez cette créature qu’est l’humain. Cette notion est inconnue chez cette forme de vie : tout ce qu’elle souhaite n’est que le pouvoir. Le pouvoir, toujours plus de pouvoir ! Crois-tu, jeune âme, que le pouvoir s’acquiert par la « paix » ? Non, nous sommes à des millions d’années que l’humain ne cesse sa quête de pouvoir par la violence. Et crois-moi, Augure, j’ai vu pléthore de civilisations naître et mourir à cause de la violence et la destruction qu’engendre cette espèce. Mais, après tout, cela est normal : l’humain se croit supérieur à tout autre être car, dans le fond de leur âme, ils savent que la rédemption n’existe pas, tout ceci car leurs âme ne sont pas à sauver. À vrai dire, il y a rien à sauver chez eux.
— Qu’entendez-vous ? Qu’il n’existe rien après notre vécu ? Impossible : je n’ai, certes, pas réussir à prédire la mort de mon enveloppe charnelle , mais, s’il y a une chose de sûr, c’est que je n’ai jamais vu l’extinction totale de mon âme. J’ai vu…
— TU N’AS RIEN VU ! Il n’y a rien à voir. Ah, si, peut-être : ta disparition totale de cet univers. Il n’existe rien pour l’âme après la mort de son corps. Rien. Il n’existe m^me ni Bien, ni Mal. Il s’agit pas juste du fait que le Bien et le Mal pourraient cohabiter, par exemple, : tout simplement parce qu’aucune de ces deux notions n’existe. La disparition d’une âme est son salut.
— Mais je ne suis pas qu’une simple âme, père. Mélange d’une essence divine et d’une âme doté du don de voyance : le résultat de cette union ne peut être qu’une anomalie dans le cosmos. Je ne suis pas comme vous ; je suis à moitié vous, père…ou Phoenix…je ne sais pas à qui je m’adresse.
L’énergie dégagée par Augure commençait à faiblir. Voilà que la première discussion que j’ai avec mon enfant me glissant entre les mains.
— Cette fois-ci, je ne sais pas si nous nous reverrons, père. Mais de disparaître -ce qui me semble inéluctable à présent- laissez moi vous donner ces derniers mots : merci, Créateur.
« Ne…
disparais…
pas... »
Des milliards d’années durant, j’avais été confronté à la solitude la plus totale. Mais à présent , je me sentais encore plus seul que les dernières années passées loin de mon enfant. Cela faisait maintenant plusieurs centaines d’années que j’errais dans le cosmos, en recherche de réponses. En effet, les dernières paroles d’Augure n’ont de cesse persisté dans mon esprit. « Pourquoi m’avait-il appelé Créateur ? » J’avais de ce fait essayé de joindre Créateur. Le silence effroyable de l’univers fut ma seule réponse.
Après ces dernières années d’errance, une conclusion s’imposait à moi : il n’y a rien de plus fragile nos croyances. Toutes les choses en lesquelles je pouvais croire n’étaient en fait qu’une illusion. Si beaucoup de mes certitudes avaient été annihilé par les déclarations d’Augure, je savais ce que je devais à présent faire : détruire ce monde. Je savais que la vie était persistante : elle me l’a prouvé à plusieurs reprises. À chaque extinction majeure de son histoire, elle n’avait jamais réellement disparue : elle s’était développée, améliorée, dans le seul but de continuer à prospérer.
À mon retour, la civilisation humaine s’était modifiée. Peut-être que l’humain était la partie manquante pour me libérer de mes fonctions de Phoenix.
Je me souviendrai toujours de ma première incarnation : à l’époque, prendre la peau d’une âme me semblait être une aberration de la nature. Or, je savais dorénavant que la vraie aberration de la nature avait toujours été… moi. Et ma misère ne prendrait fin que si la prophétie échouait. Il me fallait alors exterminé toute trace de vie. Alors, quand je pris possession d’un corps humain, j’étais décidé. Décidé d’en finir avec mon existence. Je ne croyais plus en rien ; à l’exception d’une fin irréversible.
Sur plusieurs réincarnations, j’avais enfanté de nombreux enfants, mais, à l’inverse d’Augure, je ne ressentais rien pour eux ; pas de compassion, pas d’amour ; ils étaient juste des pions dans mes plans. Mes enfants possédaient une sorte de marque dans leur âme qui me permettait de les reconnaître dans l’Ether. Chacun aurait un rôle crucial : si mes croyances étaient tangibles, qu’en étaient-ils de celles des humains, ces êtres éphémères sans réel but ? Comment pourraient-ils s’apercevoir des sombres plans que je mettais en place ? Il existait bien des âmes capables de lire l’Ether, comme Prophétesse ou Oracle, mais leur don s’essoufflait avec le temps. Ainsi que leurs paroles : de moins en moins d’humains prêtaient d’attention aux paroles délivrées par ces âmes. Tout me souriait pour achever ce monde ! Et quand la « science » fit son apparition parmi certains les élites, je sus que la fin s’approchait. Que ma délivrance allait être prochaine ! Disparaître ne me faisait pas peur. « Mourir, encore, encore et encore ! » Ces mots tournaient en boucle depuis les temps de Prophétesse. Mais à présent, et qu’importe les origines de la prophétie citant mon univers, j’allais montrer à Créateur que rien n’était éternel ! Que les boucles ont toujours une fin !
De nombreuses centaines d’années s’étaient écoulées depuis l’apparition de la science. Le développement de la bombe me fascina. Un si petit objet capable de détruire des villes entières. Cette invention était l’incarnation de mon salut. Il me fallait perfectionner encore cet objet, le rendre terriblement violent, au point de détruire cette maudite planète ! En un sens, mes enfants avaient été des bombes : ils avaient réussi à unifier des civilisations tout en les divisant ! Et maintenant, il était temps. Il était temps d’en finir définitivement !
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